Des articles publiés par des médias et reprises sur les réseaux sociaux font savoir que le pet peut transmettre la Covid-19. « Les médecins affirment que le virus corona peut se propager par des gonflements humains (effet de pet). Les médecins ont fait la découverte surprenante concernant les flatulentes qui peuvent propager la maladie de Covid-19 à moins que les personnes infectées portent des pantalons qui peuvent protéger ou des sous-vêtements », écrit Apr-News le 13 avril 2020. « Les médecins disent que le virus corona mortel peut se propager dans le monde entier par l’émission de gaz par l’anus comme sous-produit du système digestif », ajoute le média.
Apr-News note également qu’« un médecin très médiatisé à la télévision, Xander Van Tulken, qui a également figuré dans la série BBC et dans une série de documentaires, a soulevé la question sur les réseaux », ajoutant que ce dernier a souligné le travail du médecin australien Andy Tagg, qui a répondu à la question : un ballonnement peut-il provoquer une infection par le virus corona ? Avant d’ajouter que « plus tôt cette année, les centres chinois de prévention des maladies ont annoncé que le pantalon devrait être un obstacle efficace contre l’effet de gaz qui peut transporter le virus corona ».
Cette publication a été relayée par d’autres médias comme AbidjanTV et sur les réseaux sociaux, notamment dans plusieurs posts Facebook.
D’où est partie cette publication ?
Tout est parti d’un article publié sur le site du Daily Star, un média basé en Grande-Bretagne. Cet article publié le 11 avril 2020 est titré : « le coronavirus ‘’pourrait se propager dans le monde à travers les pets’’, estiment des médecins ». Cet article a été repris notamment par la radio The Fox (basée aux Etats-Unis) et le site d’information Apr-News.
Près de deux semaines plus tard, le 24 avril 2020, le Daily Star a mis à jour cet article, désormais publié avec ce titre : « un médecin dit que le coronavirus ‘’pourrait se propager à travers les pets’’ mais les experts pensent que c’est ‘’peu probable’’ ». En complément de la précédente publication, le média cite William Schaffner, directeur médical de la Fondation nationale des maladies infectieuses et professeur de maladies infectieuses à l’Université Vanderbilt University School of Medicine aux Etats-Unis, qui déclare que la transmission du coronavirus par le gaz n’a « jamais été démontrée ». « Cela devient un exercice hautement théorique d’en discuter », estime-t-il avant d’insister : « C’est très peu probable ». Daily Star a en effet repris les propos de ce spécialiste des maladies infectieuses, qui a été interrogé par le quotidien américain USA Today dans un article publié le 23 avril 2020.
En plus, dans une publication sur Twitter le 25 mars 2020, Andrew Tagg, un médecin australien, pose cette question : « si votre patient est testé positif à la Covid et pète, est-ce une procédure générant des aérosols ? ». Dans un Tweet le 6 avril 2020, le médecin britannique Xander Van Tulken, a évoqué une discussion « très agréable pour savoir si péter [peut] propager le virus corona », citant la publication sur de Andrew Tagg.
Le Dr Andy Tagg a en effet publié le 6 avril 2020 une série de Tweets repris sur le moteur de recherche Thread Reader : « qu’est-ce que ce discours de péter a à avoir avec le coronavirus ? Eh bien, le SRAS-CoV-2 peut être détecté dans les fèces et a été détecté chez un individu asymptomatique jusqu’à 17 jours après l’exposition ». « Peut-être que le SRAS-CoV-2 peut se propager grâce à la puissance de pulvérisation, mais nous avons besoin de plus de preuves. N’oubliez donc pas de porter l’EPI [équipement de protection individuelle] approprié à tout moment et de rester en sécurité ! », conclut-il.
Il cite en référence un article publié sur le site des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) aux Etats-Unis et les résultats d’une étude publiée par la revue britannique The Lancet.
Ce que rapportent les études publiées
En effet, l’étude de médecins chinois publiée le 9 mars 2020 par le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) explique que le coronavirus (Covid-19) a été détecté dans les matières fécales d’un enfant de 10 ans qui était asymptomatique (il n’avait ni fièvre ni toux mais était en contact avec des patients Covid-19) jusqu’à 17 jours après la dernière exposition au virus. Bien que ces résultats « n’indiquent pas nécessairement la présence de virus infectieux », les auteurs de l’étude expriment toutefois leur « crainte que les selles de patients Covid-19 puissent servir de véhicule supplémentaire pour la transmission du virus ».
Une autre étude chinoise publiée le 19 mars 2020 par The Lancet apprend que 55% (soit 41 sur 74) des patients Covid-19 avaient des échantillons fécaux positifs au virus. L’étude précise cependant qu’« aucun cas de transmission par voie fécale-orale n’a encore été signalé pour le SRAS-CoV-2, ce qui pourrait suggérer qu’une infection par cette voie est peu probable ».
Ces études chinoises n’évoquent pas le fait que « le pantalon devrait être un obstacle efficace contre l’effet de gaz qui peut transporter le virus ». Même si dans ses publications sur Twitter, Andry Tagg a cité une expérience effectuée en 2001 par Dr Karl Kruszelnicki et Luke Tennent, un microbiologiste. Une personne a fait des pets dans une boîte de Pétri, une fois avec un pantalon et une autre fois sans le pantalon. « Du jour au lendemain, la deuxième boîte de Pétri a fait germer des morceaux visibles de deux types de bactéries qui ne se trouvent généralement que dans l’intestin et sur la peau. Mais les flatulences qui avaient traversé les vêtements n’ont fait germer aucune bactérie, ce qui suggère que les vêtements agissent comme un filtre », décrit le Dr Kruszelnicki. « Il semble donc que les flatulences peuvent provoquer une infection si l’émetteur est nu, mais pas s’il est vêtu. Mais les résultats de l’expérience ne doivent pas être considérés comme alarmants, car aucun type de bactérie n’est nocif », déduit-il.
La position de l’OMS
De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne que des traces du virus ont été découvertes dans les selles mais aucun cas de contamination à la Covid-19 n’a été rapporté. « Il existe des preuves que l’infection au Covid-19 peut entraîner une infection intestinale et être présente dans les fèces. Cependant, à ce jour, une seule étude a cultivé le virus Covid-19 à partir d’un seul échantillon de selles. A ce jour, aucun cas de transmission fécale-orale du virus Covid-19 n’a été signalé », fait-elle valoir.
L’OMS rappelle que la Covid-19 se transmet principalement d’une personne à l’autre par le biais de gouttelettes respiratoires expulsées par le nez ou par la bouche lorsqu’une personne malade tousse, éternue ou parle. La maladie peut aussi être contractée en touchant des objets ou surfaces (tables, poignées de porte, etc.) contaminées par les gouttelettes émises par une personne malade.
Contacté, le Dr Richard Mihigo, Coordonnateur adjoint de la riposte Covid-19 au Bureau régional de l’OMS Afrique, à Brazzaville (Congo), soutient que rien ne permet d’affirmer que les pets peuvent transmettre la Covid-19. « C’est une information complètement fausse », estime-t-il.
En conclusion, plusieurs études menées notamment en Chine montrent que le coronavirus (Covid-19) a été détecté dans les matières fécales de plusieurs patients. Ces études précisent cependant que la transmission de la Covid-19 par voie fécale-orale est peu probable. Ce que confirme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui souligne que des traces du virus ont été découvertes dans les selles mais aucun cas de contamination fécale-orale au Covid-19 n’a été rapporté. Le microbiologiste américain William Schaffner juge également peu probable la possibilité que le coronavirus se propage à travers les pets. Il n’existe donc aucune preuve que la Covid-19 se transmette à travers des pets.
Anderson Diédri